Jardin'enVie n'utilise pas comme argument commercial de logo ou de mention indiquant que nous respectons l'un des cahiers des charges de ce qui est parfois encore présenté comme la "famille du Bio". Toutefois, nous sommes certifiés par

Ecocert FR-BIO 01
Ecocert France SAS – BP47 – Lieu-dit Lamothe Ouest – 32600 L'isle Jourdain
Tel : 05.62.07.34.24 – Fax : 05.62.07.11.67 – www.ecocert.com

Vous pouvez télécharger notre certificat AB.

Les principales raisons qui nous ont amenés à faire ce choix qui paraît souvent paradoxal

  • vivre dignement de notre travail
  • assumer nos choix métiers, en particulier l’utilisation exclusive de semences paysannes
  • nous distinguer des autres produits bio
  • que nos produits soient achetés pour leurs qualités intrinsèques
  • ne pas infliger une double peine aux maraîchers certifiés qui souhaitent utiliser nos semences
  • ne pas cautionner la privatisation de fait du service public régalien de contrôle
  • construire une relation de confiance réciproque entre producteur et consommateur

Nous développons ci-dessous ces différents points.

Lorsque nous avons commencé à vendre des plants pour le potager nous avons voulu les vendre à un prix permettant de vivre de ce travail et d'assumer nos choix métiers. Utiliser exclusivement des semences paysannes contribue directement à l'un de nos objectifs prioritaires : relocaliser l'économie pour y réintroduire toujours davantage d'équité. Nous étions compétitifs par rapports aux chaines de la grande distribution quel que soit le mode de production, mais pas du tout face aux paysans qui produisent du plant en AB. Ils étaient 3 à 4 fois moins chers que nous, avec le même logo. Pourtant, la plupart du temps nous proposions des produits très différents, même lorsque nos concurrents utilisaient des variétés paysannes :

Choix pour produire nos plants
Nos pratiques (détails par ici)Pratiques courantes
Semences paysannes exclusivement Hybrides F1, parfois obtenus à l'aide de CMS
O € versé à des professionnels qui produisent, diffusent ou font la promotion d'hybrides F1 ou d'autres types de semences présentées comme modernes tels les "nouveaux OGM cachés". Toutes les semences utilisées proviennent d'artisans semenciers, de maisons de la semence ou de membres du réseau semences paysannes. Acheter à des semenciers (en AB ou non) des variétés paysannes revient le plus souvent à alimenter le développement de sélections et types de semences dites modernes, ainsi que les Brevets, CVO (contribution volontaire obligatoire), COV (Certificat d'obtention végétale)... et autre normes excluantes.
Gestion de la ressource basée sur le partage des savoirs faire, les communs Secret ou exclusivité commerciale en faveur des obtenteurs
Godets fibres de bois ou mottes Godets plastiques souvent noir
Aucun pesticide pas même ceux autorisés en bio : utilisation d'extraits de plantes et préparas biodynamiques pour stimuler croissance et défense naturelle ; repousser les prédateurs; créer un climat défavorable aux maladies Au minimum pesticides autorisés en bio, par exemple le cuivre, puissant toxique de la vie du sol. Les plantes dites modernes réagissent moins bien aux extraits de plante
Lâchers d'insectes auxiliaires, lorsque nécessaire, que vous emportez chez vous sur vos plants (il faut en acheter plusieurs pour que ce soit efficace) Recours aux insectes auxiliaires plus délicat s'il y a eu usage de pesticide à la pépinière.
Sélection lors du repiquage ou technique de repiquage qui favorise la densité du tissu racinaire et la vie symbiotique
Habitués dès leur germination à n'avoir qu'un arrosage réduit au strict nécessaire : la plupart du temps, aucun arrosage entre le semis et la levée ; pas d'arrosage avant les premiers signes de soif (soit 1 à 3 arrosages par semaine selon la saison) Arrosage par trempage de préférence Arrosage souvent plusieurs fois par jour, par aspersion
Serre froide en train de devenir bioclimatique équipée d'une couche chaude pour les semis les plus sensibles Serre chauffée
Plants endurcis sous abris (tomates) ou en plein air avant commercialisation
Hivernage en plein air pour nos plantes pérennes Hivernage sous serres chauffées
=> Les plants les plus fragiles ne sont jamais vendus Des plants forcés sont souvent vendus alors qu'ils vont être plantés au jardin sans autre forme de précaution
Récoltes échelonnées ou condensées, au choix Récoltes le plus souvent condensées
Qualité gustative et variétés des saveurs privilégiées Standardisation des goûts et saveurs
Des plantes plus difficiles à vendre, plus onéreuses à l'achat et moins "jolies" en apparence... Des plantes plus faciles à vendre car en avance sur la saison, plus développées, plus esthétiques, en apparence sans défaut.
...mais rustiques, pleines de vitalité, capables de s'adapter à tous les modes de cultures (nos clients sont libres de faire leurs choix); sans déchets, sans chignon, à l'implantation facilitée, Mais des plantes en réalité moins rustiques, en quelque sorte programmées pour un mode de culture, qui demandent plus de soins, davantage d'intrants pour exprimer leur plein potentiel

Ces différences importantes, capables d'orienter un choix au moment d'acheter, sont aussi largement "masquées" par l'usage du label AB comme argument commercial principal : même logo = mêmes qualités, mêmes caractéristiques. Notre démarche devenait illisible, difficile à comprendre. Beaucoup de clients trouvaient que nous exagérions de proposer un prix si élevé. Nos concurrents n'étaient pas les derniers à nous en faire le reproche : expliquer notre démarche revenait en quelques sorte soit à dire que leur mode de production n'était pas à la hauteur, soit qu'ils acceptaient de vendre à perte. En effet, leur prix de vente correspondait peu ou prou à notre coût d'achat des intrants (godets, terreau, énergie, eau...) sans prendre en compte le coût du travail, de l'outil de travail.

Au-delà de la différence de mode de production, les différences de prix ont une autre explication : la construction de nos prix prend en compte l'ensemble des heures effectuées alors que beaucoup de paysans occultent une partie de ces heures pour déterminer leurs prix de vente. D'ailleurs, ils souvent établis au doigt mouillé, en fonction du prix affiché sur la pancarte du voisin de marché ou de foire. En particulier le travail nécessaire à la commercialisation est souvent occulté. La rémunération horaire, au regard du nombre d'heures réellement effectuées, est la plupart du temps très inférieure au smic horaire. L'ensemble explique une bonne partie du turn-over : en agriculture, il est rare de faire de vieux os. Or s'inscrire dans la durée est essentiel pour progresser, consolider et transmettre. Autant de paramètres étrangers au cahier des charges AB.

Si nous avions persisté à vendre sous le label AB, nous aurions certainement disparu rapidement. Nous avons fait le choix d'adopter une démarche commerciale pour expliquer nos choix, jusqu'à rendre publique la décomposition de nos prix pour dire qui gagne quoi et permettre aux clients de se faire leur propre opinion. Ce travail de longue haleine a pu et pourra continuer à se faire grace au club Cigales. Peu à peu, sur les foires, nous avons vu des personnes faire le tour des producteurs de plants, puis revenir sur notre stand et payer le prix que nous demandions. Quelques uns nous on dit en substance : "Vous êtes plus chers, mais nous savons ce que nous achetons, ce que nos achats permettent de construire". D'autre nous ont dit : "Ouf, nous sentions bien qu'il y avait un malaise avec ce que devient le bio. Merci de votre démarche". La plupart du temps, ceux qui nous découvrent achètent quelques plants pour voir. L'année d'après, beaucoup reviennent pour nous acheter tous les plants dont ils ont besoin, puis peu à peu aussi des semences. En se disant, tiens, peut être qu'elles ne sont pas aussi archaïques que ce que prétendent les promoteurs des semences dites modernes. Puis, de plus en plus, ils nous recommandent à leurs proches.

Nous avons accepté de payer une rente annuelle à un organisme certificateur (OC) pour ne pas infliger une double peine aux maraîchers certifiés qui souhaitent utiliser nos semences. En communiquant sur AB, ils ont perdu l'essentiel de la maîtrise de leur politique commerciale ; cela fait déjà longtemps que les orientations politiques et commerciales du Bio sont aux mains des plus gros annonceurs/acheteurs. Si les artisans semenciers ne sont pas certifiés, les paysans en AB sincères dans leur démarche (et ils sont nombreux) perdraient aussi la capacité de proposer à leurs clients des légumes de haute qualité gustative et nutritive ; la capacité de conserver leur autonomie de décision. Difficile de tenir ces objectifs sans utiliser des variétés qui évoluent et s'adaptent de génération en génération car les semences correspondantes sont produites en situation réelle de culture. Les semences dites modernes doivent être achetées chaque année sauf à payer des royalties ou une "contribution volontaire obligatoire" durant toute leur durée de protection (en général 25 ans, mais leur durée de vie commerciale est de plus en plus courte...) pour avoir le droit de les reproduire. Les techniques utilisées pour les obtenir puis les critères de sélections retenus les rend de toute façon incapables de s'adapter à un terroir, au mode de production que le maraîcher souhaite adopter pour assurer le meilleur rapport qualitéS/prix/rémunération.

D'autres raisons ont motivé notre choix de ne pas utiliser le logo AB comme argument commercial. Nous voulons que les articles proposés soient achetés pour leurs qualités intrinsèques, pour nos pratiques métiers, pour notre engagement dans une démarche de progrès et non simplement parce qu'ils respectent un cahier des charges que la plupart des consommateurs n'ont jamais lu. Ce n'est pas parce que les seuils d'éligibilité d'un cahier des charges sont atteints que les efforts de tous les acteurs pour faire face aux crises alimentaires déjà bien présentes doivent s'interrompre. Or à notre connaissance et à ce jour, aucun cahier des charges n'inclut ce qui a fondé notre choix de créer Jardin'enVie. Certes, la mention Nature & Progrès et le Label AB ont permis de franchir un pas important en contribuant à remettre en question l'utilisation des pesticides les plus dangereux. Acheter bio, cela permet déjà de ne pas contribuer à augmenter les pollutions. Mais être certifié AB n'apporte aucune garantie sur :

  • l'amélioration permanente des pratiques métiers et de l'organisation professionnelle des filières pour reconquérir l'autonomie alimentaire des populations d'un territoire.
  • la nature des semences utilisées.
    La quasi totalité des légumes bio sont produits avec des semences dites modernes, dont les méthodes d'obtention puis de sélection sont incompatibles avec les objectifs de l'agriculture biologique. Elles nourrissent moins, sont moins savoureuses, nécessitent des intrants => le cahier des charges AB et l'appropriation du vivant, c'est compatible !
  • la réduction des intrants, donc la recherche d'un sol, d'un écosystème, d'un terroir équilibré, dont la fertilité s'auto-entretient.
    Des camions de vinasse de betteraves remplacent les camions d'azote minérale... Par exemple produire 1 kg de nourriture en agriculture dite conventionnelle revient à détruire 7 à 8 kg d'humus ; respecter strictement le cahier des charges AB permet de ne détruire que 4 à 5 kg d'humus. Les modes de cultures les plus efficaces, basés entre autre sur les variétés paysannes, permettent de produire jusqu'à 20 kilos d'humus par kilo de nourriture produit. A Jardin'enVie nous sommes encore très loin d'égaler les Maya, les Incas... ou plus proches de nous, les maraîchers parisiens du 19ème siècle. Mais c'est la direction que nous souhaitons explorer.
  • Les aspects sociaux et économiques :
    Quid de la rémunération horaire pour maintenir un travail de qualité ? De l'équité tout au long des filières alimentaires pour permettre à chaque rouage de la chaîne d'agir en responsabilité et de s'inscrire dans une démarche de progrès ? Comment imaginer produire une nourriture de qualité sur le long terme sans une étroite interaction avec le territoire, ses habitants ?

La logique cahier des charges/certification/organismes de certification soumis au marché/logo/marques (même lorsqu'elles sont collectives) autorise ce que nous appelons la bio de substitution. Les intrants deviennent conformes au cahier des charges ; mais on change le moins possible les pratiques métiers, l'organisation logistique et financière des filières alimentaires. Les mêmes causes reproduiront les mêmes échecs...

Pour fonctionner, le label AB a besoin d'organismes certificateurs (OC) privés, qui doivent respecter la norme ISO65. En soi, nous ne sommes pas contre les normes. La première d'entre elle est le langage. Nous en avons besoin, ne serait-ce que pour vivre ensemble. Tout se complique lorsqu'elles deviennent excluantes et permettent de contourner le contrôle démocratique sous prétexte d'apporter de la sécurité au consommateur. Via notre participation aux travaux de Minga, nous avons eu l'occasion d'explorer en détail le fonctionnement de l'ISO lorsqu'il a été question d'une norme et d'un label pour le commerce équitable. Nous avions alors décidé de combattre l'apparition d'un tel Label. Intercaler entre les producteurs et les consommateurs ce qui ressemble de plus en plus à une boite noire nous paraît incompatible avec ce qu'il est nécessaire de faire pour produire une nourriture de qualité. Ce processus ne permet pas de construire de la confiance réciproque, juste d'en entretenir l'illusion, au préjudice de la plupart des paysans certifiés, même si dans un premier temps ils en profitent.

Etre certifié, c'est être client de l'OC. Autrement dit, nous payons une partie du salaire de la personne qui vient nous contrôler. En dépit des éléments officiels de langage de la norme, comme "tiers indépendant", on a connu mieux. Ce qui s'appelle aujourd'hui la DIRRECTE, du temps où ce service public bénéficiait de davantage de moyens pour exercer sa mission. L'apparition des OC est une forme de privatisation de fait de ce service public régalien. Certes, il y avait des critiques et des réformes à faire pour renforcer et équilibrer son pouvoir, mais tout se passe comme si nous étions en train de jeter le bébé avec l'eau du bain.

Tant que les clients des OC n'étaient que de petites fermes, nous pouvions imaginer que ce n'était pas trop un problème. Mais aujourd'hui, les clients des OC sont des multinationales cotées en bourse. Les OC eux-mêmes deviennent des multinationales cotées en bourse.

La conséquence de la norme ISO65, c'est le principe de la sanction du certifié comme preuve du sérieux de la garantie. Le paysan est donc sanctionné alors que le plus souvent, c'est d'aide dont il a besoin pour surmonter le problème rencontré. D'autant qu'il n'est en général pas seul responsable du problème. Il est la plupart du temps la résultante de choix collectifs via les politiques publiques menées au nom du citoyen, ou les habitudes et modalités d'achats des consommateurs (famille, mais aussi cantines, entreprises de l'agroalimentaire) que le paysan subit. Facile de sanctionner une petite ferme. Mais une multinationale ? Ne serait-ce que pour cette raison, que penser alors de la fiabilité du processus ISO ? Quand assumerons-nous ensemble les conséquences de ces choix plutôt que d'en reporter la charge sur les plus fragiles ?

Comment faire pour concilier l'inconciliable ?

Depuis 2009, c'est clair : il suffit de diminuer les exigences du cahier des charges. Par exemple, le seuil de tolérance de 0.9% d'OGM a été choisi alors qu'il était de longue date possible de détecter les OGM en dessous d'un seuil de présence de 0,1%. Lors d'un débat contradictoire organisé en 2002 sur l'intérêt des OGM, un directeur de l'une des marques du groupe Limagrain nous avait présenté un diaporama maison où il était expliqué pourquoi il fallait 0,9% comme seuil de tolérance : c'est le plus bas seuil compatible avec un coût raisonnable de séparation des filières et assurer leur coexistence. Pas pour préserver les bénéfices des multinationales, mais pour donner une chance au bio de vivre : ce serait à la filière bio de payer les infrastructures nécessaires pour éviter la contamination. Danger qui n'en serait d'ailleurs pas un puisque ce ne serait qu'une question de temps pour que le cahier des charge AB intègre les OGM ! Nous n'en sommes pas encore là, mais pas si loin non plus. Les techniques CMS (stérilité mâle cytoplasmique) sont largement employées en Bio. D'autres technologies "biotechs" arrivent. Elles sont aussi des OGM dans les faits, mais ne correspondent plus à leur définition juridique. Si rien ne change, il sera alors possible de les utiliser en Bio sans aucune forme de transparence ou traçabilité. Les négociations en cours promettent de poursuivre dans cette direction avec notamment le projet de mettre en concurrence les paysans certifiés bio à l'échelle de la planète pour fournir plus rapidement les volumes nécessaires à l'augmentation de la demande en produits transformés bio.

Nous préférons communiquer sur nos choix et les soumettre à un regard critique. La logique actuelle de fonctionnement de l'ISO65 incite à la paresse producteurs, commerçants et consommateurs. Elle rassure et donne accès au marché Bio à peu de frais. Les cahiers des charges évoluent (souvent vers le moins disant). Pas le logo, sur lequel repose la confiance, construite à force de marketing. Qui va lire les cahiers des Charges ? Quel consommateur parvient à les interpréter ?

Nous voulons nous adresser à l'intelligence de nos partenaires et/ou clients. Au sein de Minga, nous expérimentons d'autres moyens de construire de la confiance dans les relations commerciales et économiques. Cette direction coûte beaucoup plus cher que d'utiliser un logo ou une marque collective. Elle est plus lente. Nécessite plus d'efforts pour un chiffre d'affaire qui augmente moins vite. Elle nécessite de financer de la recherche & développement, de s'intéresser au fonctionnement de l'ensemble des filières, d'interagir étroitement avec nos partenaires. Sur le court terme, elle est plus risquée. Sur le long terme, c'est celle qui est la plus compatible avec notre objet social, avec notre capacité à améliorer la qualité de nos productions, celle qui est la plus sûre pour espérer un retour sur investissement pour les épargnants qui accompagnent le développement de notre activité, celle qui va permettre d'élaborer avec vous des perspectives pour un avenir plus désirable que notre présent.