Jacquelines Corbalan a réalisé en 2008 et 2009 une suite d'articles sur certaines des initiatives de Jardin'enVie et Terre Avenir Ville. Vous en trouverez ci-dessus une version édulcorée pour être publiée sur cette page web. Vous pouvez aussi télécharger ici en pdf) et mis en page pour la Gazette des Jardins (attention, les deux pages font plus de 1 Mo et sont d'un format supérieur au A4).

Les Incas au secours de notre souveraineté alimentaire

Buttez plus pour récolter plus


Elle m’avait dit : « Il faut absolument que tu viennes voir ça : on a fait une « butte des Incas ». C’est É-POUS-TOU-FLANT, on n’a jamais vu ça. ». Et que je te parle de luxuriance, de vigueur, de force, de santé avec des yeux tidip-tidip-tidip et de grands moulinets de bras. Comme vous le savez, il en faut beaucoup moins pour appâter une Jacqueline…
Texte Jacqueline Corbalan, photos JC et Valérie Peyret.

Le matin du 5 août, je me pointe dans les jardins d’Eric et Valérie. Situés sur leur terre de Jardin’enVie (voir Gazette n° 77), ils sont cousins des miens : de la méthode (pro, eux), de la structure (pro, eux) ET de l’HERBE, parce qu’ils n’ont pas le temps de nous tirer tout ça au cordeau, étant à la fois jardiniers, jardiniéristes et militants de chez militants pour l’écologie et le commerce équitable. Et aussi, curieux de laisser faire un peu la nature, histoire de voir comment les plantées en profitent et d’y apprendre encore quelque chose au passage.

Nous voilà donc dans une grande parcelle, ancien verger tout en longueur.
Une jardinière comme moi, ça regarde toujours par terre. On longe une culture d’engrais verts (seigle, phacélie, trèfle violet) envahis par les armoises et le pourpier car semés trop tard. Puis un bon carré de courges et de haricots, plantés bien après tout le monde, et qui commencent seulement à se développer. Sauf qu’ici on a tous les culots et que ça marche.
Puis un bon carré d’aubergines, puis un de poivrons Mandarine. On s’attarde un peu parce qu’Eric fait remarquer à Valérie qu’au milieu des poivrons plantés pour la semence, s’en trouvent deux étrangers. « Meeeeeerde ! », qu’elle dit. Éradiquer toutes les fleurs et les fruits déjà bien formés ? Suggère Eric… Pas le temps d’y réfléchir car je lève les yeux et là, PAF ! Plein les mirettes. J’avais imaginé une butte grosse comme une petite vache couchée et je me retrouve devant tout un troupeau d’éléphants collés les uns aux autres. Enfin presque. Et surtout, ah la la… comment décrire ÇA avec des mots ? Et même avec des photos ? Car là, vous avez des maïs, des haricots grimpants, des courges (cultures traditionnellement associées en Amérique du Sud), des tomates, des melons, des aubergines, des poivrons, des salades, des blettes, des choux, des physalis, des haricots nains. Ceux à rame, semés plus tard, au pied des maïs, n’ont pu se faire une place au soleil vu l’ampleur du développement des plantes voisines… Mais surtout des hauteurs, des largeurs, des tiges, des feuilles, difficiles à imaginer. Ici, pas l’ombre d’un parasite, ni d’une maladie, ni même d’une légère fatigue. Tout éclate d’une vigueur et d’une santé insolentes. Quand je pense à mes pauvres tomates, concombres et courges assoiffés et poursuivis par le mildiou et la fusariose…
Que la terre soit ici très équilibrée (limon, sable, argile), même si elle manque d’humus, et qu’elle soit améliorée par trois années d’engrais verts (mélanges de vesce, phacélie, moutarde, avoine, trèfles, seigle…) n’explique pas tout. Il n’y a qu’à regarder les cultures témoins à côté.
Ici, tout est plus vigoureux, plus précoce et nécessite beaucoup moins d’arrosage. D’ailleurs, il n’y a jamais eu de signe de soif.
Les soins apportés ont été les mêmes qu’ailleurs : comme pour toutes les cultures qui le nécessitent (solanacées, cucurbitacées…) ni plus ni moins, de l’engrais organique Orga3 et Végethumus à la plantation.
Idem pour les traitements. La butte a droit comme les autres à un passage tous les 10 à 15 jours d’un mélange phytostimulant d’extraits végétaux fermentés fabrication maison. Par contre, si les tomates du jardin reçoivent régulièrement des pulvérisations de sauge et de prêle pour contenir le mildiou, celles de la butte n’en ont pas encore eu besoin. Pas plus que de fougère ou de tanaisie contre les insectes ravageurs.
Au vu des résultats, une autre butte vient d’être mise en culture de l’autre côté de la route, près de la serre de la jardinerie où la terre est bien différente, car majoritairement argileuse. Là aussi, les engrais verts ont fait un travail d’orfèvre. « De vrais Dalton, dit Valérie : 10 cm la première année, 50 la deuxième et… à hauteur d’homme la troisième. Même le trèfle s’est démonié à 1 m de hauteur ! » et les vers de terre ont rappliqué.

Et donc trois semaines après le premier coup de bêche, les premières aubergines, sont récoltées. Les résultats devraient être au maximum dans 7 ou 8 ans. Pourquoi ? Parce que pour produire un maximum d’humus tout en produisant des légumes, il est nécessaire de cultiver toutes les familles de plantes et ce, toute l’année. Sur la deuxième butte, ont été ajoutés des légumes racines et des épinards.
Eh ben, qu’est-ce que ça va être !!!