Une coopérative pour exercer une activité agricole ? Oui, mais basée sur un statut commercial. A nos yeux, les coopératives agricoles n'ont de coopérative que le non. Les statuts agricoles actuels ont tendance à favoriser la segmentation des filières alimentaires et à empêcher les exploitations agricoles d'avoir les moyens de maîtriser leur politique de développement. Ce qui détermine une activité agricole, n'est pas le statut mais le % des ventes issues des productions agricoles. Opter pour un statut plus ouvert et polyvalent permet d'associer toutes les parties prenantes concernées par l'avenir des semences et de notre alimentation.

Comme le vivant, l’histoire de Jardin’enVie est tout sauf linéaire et prend racine au début des années 2000 lorsque des personnes de différents horizons se rendent compte qu'il y a des connexions aux problèmes qu'elles rencontrent dans leurs quotidiens : dégradation des services publics, légumes sans goût, offre alimentaire uniformisée, exposition aux pesticides et autres pollutions, appropriation du vivant qui entraîne une perte de biodiversité, fréquence de plus en plus importante d'événements climatiques aux limites, "numérisation" des métiers en successions de tâches, paupérisation et précarité des emplois, diminution des libertés. C'est l'époque des forums altermondialistes. La réponse était "il n'y a pas d'alternative". Dans nos vies quotidiennes, nous sentions bien que cela ne correspondait pas à nos observations. Le débat ne pouvait pas se réduire à une opposition binaire entre pro et anti. 20 ans après ces problématiques sont devenues des urgences, des défis planétaires. Pendant ce temps, patiemment, par essais/erreurs, nous avons construit des alternatives crédibles, viables, que nous faisons vivre au quotidien.

Expérimenter différents types de semences et de modes de culture a confirmé l'absence totale d'intrérêt des OGM, dont les parcelles d'essais se multipliaient, pour résoudre les problèmes alimentaires. La forme de coopérative permet de faciliter tous les échanges de savoirs nécessaires aux expérimentations, à l'innovation. La gouvernance démocratique, si elle n'a rien d'une évidence, favorise l'implication des habitants de l'agglomération de valence, confrontés à des problèmes similaires et décidés à reprendre en main leur avenir sans attendre que les personnes aux responsabilités se décident à agir.

2001 : « Libérons les semences paysannes pour se débarrasser des OGM » "Pas de semences paysannes sans équité, pas d'équité sans semences paysannes" sont des exemples des actions menées avec le groupe local d’Attac Drôme-Ardèche pour proposer d'expérimenter d'autres solutions avant de recourir aux OGM. Même en cas de victoire, combattre contre une technologie sera vain si on ne s’attaque pas à sa logique économique (OGM, CMS, hybride F1 = primauté du droit de propriété). D'autres technologies apparaîtront avec les mêmes finalités.

2007 : création de l’association « Pour Jardin’enVie » devenue depuis la Maison de la semence paysanne sud Rhône-Alpes.

2010 : ouverture au public et premières ventes de semences et de plants issus de variétés paysannes

2016 : création de la SCOP-ARL Jardin’enVie. Le succès est au rendez-vous avec une demande qui dépasse largement notre capacité de production.

2019/2021 : Tentative de changer d'échelle pour déployer largement les savoir-faire et solutions qui ont fait leurs preuves. Une levée de fonds ambitieuse est lancée, la transformation des statuts de SCOP-ARL en SA-SCIC démarrée. Pour une jeune entreprise en forte croissance cela signifie remise en question et désorganisation avant de trouver un nouvel équilibre. La conjugaison des effets de la grêle et du Covid a tout amplifié. Deux années de suite plus de la moitié de la production est perdue. Dans le même temps, progrès et perspectives se sont consolidés. Notre motivation reste intacte. Nous sommes au milieu du gué.